En proposant une nouvelle écriture du passé sur le mode de la “résurrection intégrale” et de la réparation historique, Jules Michelet a joué un rôle prépondérant dans le renouvellement historiographique postrévolutionnaire et la mise en place de cadres historiques dont se réclamera “la nouvelle histoire”. Or c’est par le biais du récit et de l’histoire avec un petit “h” que ce changement du discours et de la pratique historienne se met en place. Prenant pour appui la réflexion de Jacques Rancière (Les Noms de l’histoire) sur la filiation paradoxale entre l’historien souvent qualifié de subjectiviste et l’école des Annales, et la révolution scientifique que représente l’historien romantique, cet article prend pour objet les volumes consacrés à Louis XIV – incarnation de la gloire de la monarchie absolue – contre lequel Michelet semble s’acharner de manière symbolique et significative. L’article entend montrer que le changement épistémologique qu’opère l’Histoire de Michelet est une mise à mort poétique du roi, qui ne se fait pas simplement au profit d’une idéologie ou d’un désir de mémoire républicain, mais bien d’une histoire républicaine. En effet, l’historien ne se contente pas d’user de procédés littéraires pour subvertir la vision du passé véhiculée par l’historiographie classique : il en bouleverse les techniques de narration et propose une nouvelle manière de dire l’histoire qui inverse les instances souveraines du roi et du peuple, au profit d’un nouveau récit national qui laisse entendre la voix des documents et les voix oubliées du passé.